Johnson m'a tuer de Louis Theillier (Journal de bord d'une usine en lutte, 2014)

Johnson m'a tuer de Louis Theillier (Journal de bord d'une usine en lutte, 2014)
Cette bande dessinée a été réalisée pendant le conflit social au sein de l'entreprise Johnson Matthey, de Février à Juin 2011.

Ce reportage BD n'était pas destiné à sortir sous cette forme. L'idée a commencé par un blog. L'auteur, Louis Theillier, travaillait dans l'usine bruxelloise de Johnson Mattey, une des 100 plus grandes multinationales d’Angleterre et leader mondial de l’exploitation de platine et de métaux précieux. Ce site concevait des catalyseurs pour les groupes de l'automobile.

Le 31 janvier 2011, la direction annonce aux 300 employés que l'usine était en surproduction et pas assez rentable (bien qu'elle faisait des bénéfices). L'ouverture de l'usine en Macédoine opérée quelque temps auparavant n'a pas été perçue tout de suite comme une menace et malgré les craintes rien n'a été fait par les syndicats pour prévenir le drame social. L'activité de l'usine sera délocalisée en Macédoine, où les ouvriers payés 300 euros par mois ont été formés par... les ouvriers du site de Bruxelles qui vont perdre leur poste...

Au sein des ouvriers, c'est la consternation et l'indignation. Beaucoup de questionnements vont se poser : faut-il bloquer la production ou comme le tempèrent les syndicats continuer le travaille sachant que les ouvriers peuvent bloquer à tout moment les matières premières ou le départ des produits finis et ainsi établir un rapport de force dans le dialogue avec la direction du groupe sur l'avenir des employés et du site

C'est cette période d'incertitude qu'a mis en dessin Louis Theillier. Une délocalisation vue de l'intérieur par les acteurs eux-mêmes. D'abord un blog, les planches ce sont décliné en revue syndicale pour faire connaître le combat de ses ouvriers à une sphère plus large.

Cette bande dessinée est assez extraordinaire par son témoignage d'hommes et de femmes impliqués dans ce drame social. Elle démontre pour ceux qui en douterait encore la véracité et le cynisme des grands groupes qui, pressés par leur actionnaire, doivent fermer des usines pour en ouvrir d'autre avec une rentabilité accrue. Elle démontre la façon dont ils traitent l'humain, interopérable par un autre, comme s'il s'agissait de machine sans se soucier du drame social que cela va causer.

Cette bande dessinée m'a appris des petites choses intéressantes comme l'augmentation de la projection de microparticules de platine dans l'atmosphère beaucoup plus importante depuis la généralisation des pots catalytique. Un dépolluer qui apporte une nouvelle pollution...

L'auteur explique certaines pratiques de la finance comme les fonds spéculatifs qui reprennent des entreprises en difficultés. Leur but n'est pas de rendre pérenne l'activité de leurs nouvelles acquisitions, mais bien de récupérer le savoir-faire pour l'utiliser ailleurs, dans un pays où la main d'oeuvre est moins chère. Il cite l'exemple de l'usine Arcelor-Mital de Florange.

Pour l'usine de Johnson Mattey, cette délocalisation était prévue. Les infrastructures étaient laissées à l'abandon laissant accumuler les coûts de rénovation aux fils des ans.

Le combat des syndicats n'a pas été exemplaire en demandant aux ouvriers de rester apathique et attendre le bon vouloir de la direction sans imposer le rapport lorsqu'ils en avaient la possibilité.

Une très bonne bande dessinée mettant en lumière ce capitalisme prédateur qui frappe régulièrement les ouvriers, loin de l'image d'Épinal que veut nous faire croire les politiques sur le devoir responsabilité sociale des entreprises qui est juste un discours démagogue de plus.

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