Sang noir de Jean-Luc Loyer (Bande dessinée sur la catastrophe de Courrières, 2013)

sang_noir.jpgLa catastrophe de Courrières (Nord de la France) est la plus grande catastrophe minière d’Europe. Elle a eu lieu le 10 mars 1906 et a fait 1099 morts.

La France est alors en plein essor industriel et avec la généralisation de l’électricité, elle a des besoins importants en énergies. Le nord de la France est la région qui profite le plus de cette expansion. Les puits de mine y fleurissent et les villes aux alentours grossissent.

Travailler dans les mines restait pénible, malgré des avantages obtenus par les mineurs en 1898 à la suite de plusieurs grèves. Plus tard, d’autres demandes répétées pour de meilleures conditions n’ont pas été prises en compte par la Compagnie de Courrières. Le 6 mars 1906, un incendie s’est déclaré dans un des puits. Mais pour Lavaurs, le directeur, il s’agissait d’un dysfonctionnement, qu’un simple mur suffirait à circonscrire. Il n’est pas envisageable qu'il stoppe la production et accumule des retards.

Malgré des protestations, les mineurs sont redescendus dans les mines. Le 10 mars un coup de grisou suivi d’un coup de poussier, dont la flamme a parcouru 110 kilomètres de galeries en moins de deux minutes, tue des centaines de mineurs. Pourtant, les jours précédents des ouvriers ont suspecté la présence de gaz, mais la compagnie ne les a pas écouté. Ce 10 mars 1906 s’est donc ajouté 1099 morts (dont 242 enfants) supplémentaires sur l’autel du capitalisme.

La compagnie a rapidement arrêté la recherche de survivants, préférant sauver les installations. Le bilan des corps retrouvés n’a pas cessé de croître les jours suivants la catastrophe. Le mécontentement a gagné les mineurs qui se sont mis en grève afin d’obtenir de meilleures conditions de travail. Clémenceau, le ministre de l’Intérieur d’alors, envoya au total 30 000 soldats pour faire pression sur les grévistes. La découverte de survivants au 20e et 24e jour après la catastrophe mettra le feu aux poudres durcissant la grève et impliquant une confrontation directe entre soldats et grévistes. Finalement, les mineurs obtiendront des augmentations de salaire dérisoires, les familles des victimes une rente de la part de la compagnie minière et la promulgation d’une loi sur le repos hebdomadaire obligatoire. Des avancées sociales bien maigre par rapport aux vies perdues...

Cette bande dessinée au dessin semi-réaliste en noir et blanc revient sur ce drame en développant le contexte social : séparation de l’Église et de l’État, essor de l’ère industriel, tension franco-prusse, etc. Elle suit le quotidient de personnages réels, décrit en détail la vie des mineurs et le déroulement du drame. Enfin, elle revient sur les mouvements sociaux qui suivirent avec l’autoritarisme de Clémenceau, le basculement des médias au profit de la nécessité productive, la prose de Jaures et les conflits inter-syndicaux.

Bel ouvrage de mémoire de l’histoire sociale de la France.

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