Chomsky & Compagnie, documentaire d’Olivier Azam et Daniel Mermet (2008)

Chomsky & Compagnie, documentaire d’Olivier Azam et Daniel Mermet (2008)
« Le pouvoir ne souhaite pas que les gens comprennent qu’ils peuvent provoquer des changements » Noam Chomsky.
Ce documentaire distribué par Les Mutins de Pangée revient sur divers sujet déjà abordé par Chomsky par « peut-être l’intellectuel vivant le plus important » selon le New York Times. La rencontre avec ce « Dieu vivant » a été faite avec les moyens du bord : traduction simultanée, cadrage parfois laborieux. Mais ce qui importe c’est le fond et non la forme

Fabrique d’opinion

Le premier sujet abordé est la fabrique d’opinions. Pour Chomsky contrairement à ce que semble penser la population en générale, et en France en particulier, les journalistes sont indépendants et ne sont soumis à aucune pression. Il fait une comparaison avec les pays totalitaires. Dans un régime autocratique, c’est le pouvoir qui décide de la ligne du Parti et chacun doit y adhérer et s’y soumettre. C’est différent dans les sociétés démocratiques. La ligne du parti est sous-entendue. « C’est dans ces présupposés que les débats se feront, mais ils se limiteront à ce cadre ». L’avantage dans une démocratie c’est qu’elle donne une impression de plus grande liberté.

Selon des études, l’influence de cette ligne directrice sous-entendu a plus d’effet sur la population la plus éduquée. Par exemple aux États-Unis, il y a un fossé qui s’est créé avec la « masse ». Les gens éduqués recouvrent les voix de « la masse ». Chomsky prend l’exemple de l’affaire iranienne. Plus de la moitié des Américains sont favorables à ce que l’Iran puisse avoir du nucléaire civil, mais ça les journaux n’en parlent jamais.

Il évoque bien sûr les manipulations grossières comme l’incident du Golfe de Tonkin qui ont permis aux États-Unis d’entrer dans le conflit d’Indochine ou plus récemment les mensonges du gouvernement américain sur la présence d’arme de destruction massive en Irak.

Fabrique du consentement

C’est une expression datant des années 20 du journaliste Walter Lippmann : « il faut obtenir l’adhésion et la soumission de l’opinion en créant les illusions nécessaires comme la création de besoins artificiels, de peurs, d’insécurité, de terreur. Les gens doivent être détournés vers des buts inoffensifs. C’est obtenir sans violence ce que les états totalitaires obtiennent à coups de bâton ».

Jean Bricmont, un universitaire belge, explique que dans les sujets d’actualité internationale, il y a des aspects cruciaux, jamais rappelés. Un extrait d’un débat télévisé illustre le propos avec la guerre froide durant laquelle étaient mis en avant les massacres de l’URSS, alors que ceux des Américains au Nicaragua restaient sous silence.

Autodéfense intellectuelle

Normand Baillargeon est professeur en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Montréal. Il nous dit qu’il faut nous méfier du champ sémantique utilisé dans un article, à la télévision et dans la publicité. Dans les années 90, les OGM passant mal auprès du public, des entreprises ont été engagées pour travailler sur le langage positif autour des produits.

Pour Baillargeon, il est aussi indispensable de prendre connaissance du contexte « historique, social, politique, structurel d’un débat ». Il prend exemple sur Patrick Michaels, un des rares « scientifiques » qui prétend qu’il n’y a pas de réchauffement climatique. Il se trouve que ce cher Patrick est lié à des groupes de pression mis en place par ExxonMobil (pétrole), l’entreprise la plus profitable du monde avec 45,22 milliards de bénéfices en 2008.
Rien de secret, aucun complot, toutes les grandes compagnies défendent leurs intérêts de la même façon. C’est quelque chose qui peut expliquer pourquoi Chomsky affirme que le capitalisme et la démocratie sont incompatibles.

La liberté d’expression

Daniel Mermet revient sur l’affaire Faurisson. Dans les années 70, Chomsky avait signé une pétition pour défendre la liberté d’expression de Faurisson, suspendu en France pour ses thèses négationnistes.
Chomsky avait reçu de vives critiques de la part des intellectuelles françaises. Pour lui : « Si la liberté d’expression se limite aux idée qui vous conviennent, ce n’est pas la liberté d’expression ». « Ou tu défends la liberté d’expression pour des opinions que tu détestes, ou tu ne la défends pas du tout ». « Défendre le droit à quelqu’un à s’exprimer ne revient nullement à partager ses opinions ». Aux États-Unis la liberté d’expression est totale depuis les années 60, proche des Lumières alors qu’en France elle est régulièrement attaquée. « Est-ce que l’État à le droit de déterminer quelle est la vérité historique et de punir tous ceux qui contredisent cette vérité officielle?… Ça, c’est une doctrine caractérisée du stalinisme [..] les intellectuels français n’aiment pas admettre qu’ils soutiennent cette doctrine » nous dit Chomsky.

En Indochine : retour de bâton et intérêts

Une partie du documentaire évoque les différentes guerres dans lesquelles sont entrés les pays occidentaux, États-Unis en tête et les conséquences qu’elles ont eues sur les peuples. En 1970 le Cambodge est soumis à des bombardements intensifs. Les Khmers rouges comptaient 2000 hommes avant 1970, étaient 60 000 à leur arrivée au pouvoir, Pol Pot à leur tête. Entre temps, les survivants des bombardements ont rejoint les rangs de ce parti communiste cambodgien.

L’arrivée des Khmers rouges à cette époque a attiré l’attention des médias : les vilains communistes étaient aux pouvoirs. Mais un conflit barbare avait également lieu au Timor-Oriental, cependant aucun mot n’était rapporté à ce sujet. En 1975, au départ des  Portugais colonisateurs, le Timor-Oriental revendique son indépendance. Neuf jours plus tard, l’Indonésie envahit Timor Est, soutenue par les États-Unis. Il y aura 200 000 morts entre 1975 et 1980. Les Occidentaux ont fermé les yeux sur les massacres perpétrés là-bas. Dans le journal le Monde, un article dit : « la France ne mettrait pas l’Indonésie dans l’embarras, de quelque façon que ce soit. Le gouvernement s’était jusqu’à présent abstenu, a dit le ministre qui a estimé que sa visite à Djarkarta avait été satisfaisante à tous égards ». La raison de ce silence ? Louis de Guiringaud, ministre des Affaires étrangères à ce moment-là, disait : « il faut que l’industrie française sorte de l’Hexagone, qu’elle s’adapte au monde, et pour cela il faut que nos industriels aillent dans des pays qui sont en train de s’équiper, qui peuvent constituer des marchés ».

Alternative

Pour Chomsky en citant l’Amérique du Sud affirme qu’il existe une alternative au capitalisme : les différentes luttes et protestations de ces peuples, l’arrivée de la démocratie dans ces pays ou ou bien le rejet du FMI par le Venezuela et l’Argentine qui voulait privatiser l’eau en témoignent.
Chomsky serait favorable à un nouveau type de système : la démocratie industrielle. Les gens dirigent et commandent les usines, les directions prises et les usines entreprises devront rendre des comptes, proche du système soviet originel.

Voir le documentaire en deux parties :

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