Aujourd'hui #JeSuisCharlie, mais demain ?

Aujourd'hui #JeSuisCharlie, mais demain ?
Dernier dessin de Charb paru dans le Charlie Hebdo du mercredi 7 janvier 2014

Quand j'ai appris la nouvelle de l'attentat au siège de Charlie Hebdo j'ai eu un petit pincement au coeur. En rentrant chez moi, je me suis mis sur une chaine d'info continue. J'ai pu y voir que de nombreuses personnes se sont rassemblées spontanément. La réaction a été plutôt belle.

La dictature de l'émotion

Mais ça a coincé d'abord avec l'intervention de Philippe Val. Dans un ton théâtral, sincèrement choqué par la mort de ses amis, l'ancien patron du journal demande de continuer le combat pour la liberté d'expression. Il faut rappeler que c'est ce même Philipe Val qui a viré le caricaturiste Sine pour les propos suivants :

« Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le parquet (encore lui !) a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n’est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit ! »

La liberté d'expression, de caricature oui, mais pas pour tout le monde, n'est-ce pas Philippe ?

Du côté de Facebook est apparu en avatar de nombreuses personnes le désormais célèbre "Je suis Charlie", comme s'il y avait eu une attaque virale. Même ceux qui ne s'intéressent pas trop à l'actu politique en temps normal ou avec un compte peu actif y sont allés de leur soutien. Là encore c'est touchant. Il aura tout de même fallu un troisième attentat contre Charlie Hebdo et des morts pour faire réagir les gens. L'émotion, le tragique, il n'y a que ça qui marche.

Les médias nous ont matraqué de reportages et de témoignages autour de l'attentat de Charlie Hebdo. La traque par la police et la prise d'otage par les auteurs ont été relayé en direct. Les médias ont ainsi été le moteur de cette vague d'émotion qui touche aujourd'hui les Français. Beaucoup s'expriment en écrivant se sentir français, ce qui d'habitude est un peu honteux. Un attentat comme une coupe du monde forge l'union nationale.

Un peuple sous le coup de l'émotion devient vulnérable, est moins attentif à ses droits. C'est la stratégie du choc, théorie énoncée par Naomie Klein qui explique comment sont utilisés certaines crises financières, la guerre, le terrorisme pour faire passer des réformes impopulaires en temps normal. Le gouvernement prévoit déjà des nouvelles mesures "anti-terroristes" qui à chaque fois restreignent la vie privée, la liberté d'agir et ... la liberté d'expression.

Où est le combat pour la liberté d'expression ?

La France a donc été attaquée par une minorité de fanatiques religieux et on voudrait défendre la liberté d'expression ? En plus d'être un combat creux qui permet au mieux une union nationale temporaire, il aurait mieux fallu la défendre il y a quelques semaines contre la loi antiterroriste de Cazeneuve par exemple.

Une fois l'instant de stupeur estompé, que va t'il rester de cet évènement ? La plupart des gens se manifestent aujourd'hui d'une manière ou d'une autre pour la liberté d'expression, mais concrètement ça veut dire quoi ?

Cela me rappelle François Hollande lors de la campagne présidentielle qui disait qu'il allait attaquer la Finance et on voit le résultat. Ce genre de propos est consensuel et n'engage à rien puisqu'il n'y a pas d'action concrète, au mieux symbolique. Je suis pour la vie. Dois-je aller manifester avec un slogan "Vive la vie". Dire "je suis pour la liberté d'expression" est tout aussi absurde.

Ceux qui ont opéré ces attaques sont des fanatiques religieux, une minorité d'illuminés qui veulent terroriser la population pour imposer leur point de vue. Une fois de plus, les "représentants" musulmans ont dû se justifier alors que ce n'est jamais le cas lorsque des chrétiens commettent des atrocités. On voit déjà pointer le débat stérile sur les musulmans et les Le Pen, Zemmour, Houelbeck et consort piaffer d'impatience.

Origine du fondamentalisme

Des voix sur la prétendue théorie du "choc des civilisations" vont à nouveau se faire entendre. Il existe des extrémistes présents dans les trois principales religions monothéistes et en apparence la religion musulmane semble la plus défiante à l'égard du monde occidental par la virilité des intégristes qui agissent en son nom.

Mais la raison est simple, par leur volonté hégémonique, les Occidentaux sèment la misère partout où ils interviennent dans le monde dit musulman. Particulièrement en Afghanistan, en Irak et en Libye où la situation est hors de contrôle. Là-bas, les groupes radicaux ont la sympathie de la population puisqu'ils y effectuent un gros travail social (du moment que l'on est sunnite) et sont vu comme des combattants contre l'ingérence occidentale. Voilà grosso modo comment se créé le fondamentalisme, par des guerres insensées et sans politique de reconstruction hormis le pillage des ressources.

Le prétexte religieux

En France, on s'accorde à dire qu'il y a cinq millions de musulmans, dont deux millions de pratiquants et parmi eux quelques radicaux. Ces derniers sont diffus dans le corps social. On a pu remarquer qu'il ne s'agissait pas exclusivement d'individus habitant la banlieue et d'origine arabe selon les stéréotypes habituels comme l'ateste de nombreux convertis d'origine chrétienne, dont le cas spectaculaire de Maxime originaire d'une petite ville de Normandie, parti en Syrie. Ce cas n'est pas un cas isolé comme le démontre un rapport de la DGSE.

Aujourd'hui, il faut s'attaquer aux problèmes qui poussent les gens à agir de façon aussi extrême. Par l'éducation, c'est un fait, mais aussi en combattant à la fois les inégalités, l'exclusion et l'isolement des individus, même si paradoxalement les gens n'ont jamais eu la possibilité d'être autant connectés entre eux qu'aujourd'hui.

Le gouvernement doit s'employer à ce que personne ne soit mis de côté. Alors peut-être pourra-t-on parler d'union nationale.

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Commentaires
1. ,
Bien dit Florian! Ce moment de recueillement même s'il est agréable à voir dans un moment triste me fait aussi penser qu'il faut attendre des morts pour enfin soutenir un journal qui était au bord de la faillite. Et ces mots choisi "d'attentat, de terroristes" j'ai malheureusement l'impression qu'on essaie "d'externaliser" le problème vers des pays comme la Syrie ou le Liban. Une nouvelle loi contre le terrorisme comme réponse au problème. Tu as raison il est habituel pour les gouvernements d'apporter une solution sans s'être poser de questions sur le parcours de ces jeunes et sur nos responsabilités et notamment celles des politiques dans la stigmatisation de certains groupes qui pourtant ne c'étaient parfois jamais intéressés à la religion dans sa forme radicale voire aucune forme d'ailleurs, pendant de nombreuses années pour finir par y trouver un refuge.
2. ,
La liberté d'expression en soit même de veut pas dire grand chose. Des négationnistes, des fachos s'en réclament tous les jours. En l'occurrence, ce sont des laïcs et athées qui ont été visé. Ce qui est tout autre chose.
3. ,
On a tous merdé après le procès... C'est à ce moment là, déjà, qu'il aurait fallu les soutenir au lieu de ça on a été trop nombreux à se dire "merde, ils vont pas un peu loin là ?" Comme Chirac déclarant "il ne faut pas jeter de l'huile sur le feu"... On se laisse doucement endormir, jour après jour toujours plus individualiste... Quel gâchis
4. ,
Bien vu Florian, vivement que toute cette mièvrerie unanimiste en finisse et que Philippe Val finisse vraiment par passer par la fenêtre. Premier article sans guimauve, sans morve et sans larme : http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/10/unanimite-des-hommages-a-charlie-un-contre-sens_4553578_3224.html
5. ,

Florian, finalement nous nous rejoignons. Merci pour cet article.

Au-delà de l'émotion liée aux événements de cette semaine et de certains interview marquants comme celui Patrick Pelloux et de Jeannette bougrab, ce qui me désole le plus c'est la réponse politique, ceux des va t en guerre, comme au lendemain du 11 septembre.

Le politique nous propose un magnifique binôme qui a fait ses preuves c’est dernières décennies : lois liberticides + interventions armées. LCEN, LOPSI 1 et 2, LSI, … et la loi votée la veille de noël par 30 députés … Nous vendons notre liberté d’année en année.

Il est évident à très court terme que des interventions sécuritaires soient nécessaires, mais il faut s’interroger sur les origines du mal. Une action socio-économique forte est impérative pour endiguer la montée de l’extrémisme. Et soyons réaliste, cela demandera du temps, beaucoup de temps.

Etudions les raisons de la colère pour véritablement la combattre https://www.youtube.com/watch?v=sOFFUDpqBNA . Comme il est difficile de tuer l'idée de liberté, il est tout aussi difficile de tuer une idée extrême.

Autant j’imagine qu’il n’y aura pas de grands changements possibles dans les territoires extérieurs au dans le combat de la mondialisation, pour l’accès aux ressources et aux zones d’influence nous faisons n’importe quoi (comme en Libye et en Irak, où aucun SAV n’a été pensé) ; autant sur le sol français il est encore largement le temps de s’occuper des populations désœuvrés et sans lendemain, auxquels seuls les fondamentalistes proposent un but et un objectif de vie.

Dans les nombreux reportages que j’ai pu voir, seuls un générale de l’armée française et le président nigérien ont parlé d’éducation, encadrement social. Ce n’est pas bien rassurent.